Nos Mères Abbesses

 

Mère Immaculata Astre

Troisième abbesse  du Pesquié

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Mère Marie-Bernard Eudier

Deuxième abbesse d’Ozon et du Pesquié (1971-2004)

Notre Mère Marie-Bernard 1

Née à Lyon, sa famille s’établit ensuite à Toulouse. Son enfance se déroula dans le climat paisible d’une famille unie où l’on s’aimait beaucoup, mais une grande peine vint obscurcir ses jeunes années : la mort de sa petite sœur Jacqueline, vers l’âge de deux ans. Elle-même en avait neuf. Elle se distinguait déjà par son attrait pour la solitude. Dès son enfance, elle possédait de l’imagination et un caractère entreprenant… Sa mère l’appelait parfois “Mademoiselle J’ordonne”. Elle en avait conscience et pensa un temps qu’elle ne pourrait pas entrer au monastère à cause de son penchant à l’insolence. Elle n’en avait pas moins très bon cœur.

Vocation

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Entre 1940 et 1943, elle fit des études d’infirmière et d’assistante sociale à la Croix-Rouge, désireuse de “soulager la misère”. Sa formation d’assistante sociale lui fit rencontrer des situations de grande pauvreté et, ce qui la touchait le plus, la souffrance des enfants privés d’affection. Pour la soulager elle aurait voulu exercer tour à tour dans les tribunaux pour enfants, ou à la campagne, ou encore devenir Petite Sœur de l’Assomption et aller dans les familles dont la mère était malade, s’occuper des enfants et de la maison. Or, devant l’étendue de la misère qu’elle découvrait, elle eut la conviction que seule la prière lui permettrait d’être partout à la fois.
Lorsqu’elle chercha où réaliser sa vocation, son confesseur lui recommanda Madiran. Elle y arriva un soir, à bicyclette, sous une ravissante lumière. Quand elle vit le réfectoire, triste comme un garage, mais blanchi à la chaux, elle fut séduite par cette pauvreté. Elle n’avait plus de doute : c’était là ! Alors que la prieure, Mère Immaculata lui demandait ce qu’elle cherchait, elle répondit : “Une vie selon l’Évangile”.
Elle dut cependant terminer ses études avant d’entrer au monastère. Josette était alors une charmante jeune fille qui ne laissait pas indifférents les internes et médecins avec qui elle travaillait. Mais elle savait ce qu’elle voulait et savait aussi le faire comprendre… Ni son père ni sa mère ne mirent d’obstacle à sa vocation ; sa mère avait acquiescé, mais non sans douleur. “Ils ont respecté ce que j’avais décidé”.

 

Novice et jeune moniale

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Abbaye bénédictine du Pesquié, Ariège, Pyrénées, France

Le premier mois de postulat fut affreux! Mis à part ses stages, elle n’avait jamais quitté sa famille. Elle raconta plus tard qu’elle avait souhaité tomber malade pour être renvoyée sans que ce soit de sa faute ! Mais elle ne voulait pas céder. “A ces heures là, on tient pour Dieu”. Mère Immaculata de Fanclieu lui avait donné le nom de religion de sainte Bernardette : Sœur Marie-Bernard. Au noviciat, Sœur Marie-Bernard passait souvent inaperçue. Discrète et silencieuse, elle n’en était pas moins très gaie et souriante. Mère Marie-Bénédicte rapporte ce trait : “Sœur Marie-Bernard restait calme, avec un petit sourire paisible, et ne répondait rien dans les bourrasques. J’admirais et me disais : « Toi aussi, ne dis rien et fais comme elle » Elle m’a beaucoup aidé sans le savoir”. Et Mère Chantal : “On sentait qu’elle était présente à Dieu et tout en prière avec un grand calme. Je pensais : il y a un secret en elle”. En 1954, son père mourut presque subitement à 65 ans. Ce fut une très grande souffrance pour cette jeune moniale de 34 ans, souffrance intime endurée dans une certaine solitude et une grande dignité.

Infirmière

Elle fut nommée première infirmière la même année, et les moniales firent alors l’expérience de son affection surnaturelle lors des consultations à l’infirmerie. Sans s’attarder, elle savait écouter et donner à chacune le sentiment d’être prise en compte. Durant le transfert de Madiran à Ozon, les conditions n’étaient pas idéales : les malades logeaient parfois à plusieurs dans la même cellule, séparés par des rideaux, et il fallait aller chercher l’eau pour les soins. Mais elle savait s’organiser dans une grande liberté de cœur et disponibilité, privilégiant toujours l’attention aux personnes et ne perdant pas de temps en paroles.

Conseillère

C’est à cette époque qu’elle commença à aider Mère Immaculata de Franclieu. Elle la secondait dans ses relations avec les autres abbesses. Elle s’instruisait de toutes les questions qui se posaient à cette époque du Concile grâce au Père Lavaud, dominicain et ami de la communauté, qui l’appelait “sa très chère fille”. Elle fut ainsi, avec une foi profonde et un dévouement totalement désintéressé, la cheville ouvrière de changements qui, sans révolution, contribuèrent à faire évoluer la communauté au bon moment.

Naturellement douée d’un grand sens musical, elle eut à cœur également de perfectionner le chant liturgique.
A son initiative, on inaugura les premiers pique-niques avec toute la communauté et les récréations sportives du noviciat qui consistaient à jouer au volley-ball plutôt qu’à raccommoder les chaussettes.

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Sous-prieure, maîtresse des novices

Elle se révéla une éducatrice née. Elle cherchait avant tout à guider les novices vers la vérité profonde de leur être, et à leur apprendre la fidélité à la grâce. “Elle m’a guidé très vite vers une prière vraie, me montrant le Seigneur toujours là, toujours présent, toujours aimant, toujours agissant”, se souvient une moniale, à qui elle disait aussi : “Semez de l’humour. C’est une charité, et c’est le signe du détachement auquel nous devons tendre”. Elle insistait sur la nécessité d’une obéissance filiale, source de lumière pour marcher droit. Pleine d’imagination et d’intuition, elle s’adaptait au tempérament de chacune, mêlant encouragements et reproches qui pouvaient être sévères. Sa sollicitude était maternelle mais pas sentimentale : elle ne s’attardait pas sur les petits chagrins et savait user de fermeté. Mais les cœurs dociles (ou prêts à le devenir!) pouvaient bénéficier de trouvailles inouïes dans son cœur aimant. Elle citait volontiers Claudel : “Être un chemin qu’on emprunte et qu’on oublie”. Sa tâche de formation de s’arrêta pas là : le noviciat fut chargé de la cuisine, et, elle qui n’hésitait pas à se lancer dans de grandes entreprises, en profita pour rénover cet emploi.

 Mère Abbesse

Bénie abbesse le 16 avril 1971, elle gouvernera la communauté pendant 33 ans et prendra la décision de la refonder le monastère au Pesquié, après l’ouverture de l’autoroute qui défigura mit en péril la vie monastique à Ozon.

Durant le transfert de la communauté d’Ozon au Pesquié, et au cours des longs travaux, Mère abbesse fera inlassablement des allées et venues entre les deux sites, ayant constamment en tête tant la vue d’ensemble de l’entreprise que chaque détail, et, dans le cœur, le souci de chacune de ses filles. Allant de l’avant avec amour, courage et simplicité, aucune adversité ne put en avoir raison.

 
 
 

Mère Immaculata de Franclieu

Première abbesse de Madiran et Ozon (1947-1971)

Mère Immaculata

 

Née dans les alentours de Tarbes, Marie de Franclieu avait 19 ans lorsqu’elle ressentit l’appel du Maître. Cependant, elle fut d’abord infirmière dans un hôpital militaire pendant la guerre de 1914. C’est le 11 février 1918 qu’elle entre à l’abbaye de Dourgne où elle reçut le nom de Soeur Immaculata, nom qu’elle donnera un jour de 1969 à une postulante de 18 ans qui devait devenir notre troisième abbesse… En 1934, elle est nommée prieure de la fondation de Madiran dans les Hautes-Pyrénées, fondation érigée en abbaye en 1946. Elle est bénie abbesse du monastère le 12 février 1947.
Les débuts de Madiran puis les années de guerre furent des années pauvres et difficiles, quoique vigoureuses et joyeuses, pour la jeune abbaye. En 1944, la situation du monastère, pris en plein maquis, réclama de l’abbesse une veille ininterrompue de nombreuses nuits durant. La guerre n’interrompit pourtant pas le recrutement et à partir des années 40 le nombre des novices atteignit et souvent dépassa la dizaine.
En 1971, elle fit la connaissance du Père Lavaud, alors prieur du couvent des Dominicains de Toulouse, dont l’intelligence et la fidélité lui furent précieuses. Il prêcha la retraite annuelle pour la première fois en 1950, alors qu’il venait d’assister à Rome à la définition du dogme de l’Assomption, ce dont il parla avec enthousiasme. Sa culture, son jugement, son sens de l’Église aidèrent plus tard Mère Immaculata à s’orienter à travers les difficultés qui suivirent le Concile. Notre amitié et notre reconnaissance envers les dominicains de Toulouse fut dès lors scellée.
On vit bien qu’édifier à Madiran les nouveaux bâtiments devenus indispensables pour le nombre grandissant de moniales ne serait pas sage, car l’eau manquait.Il fallait trouver un nouveau gîte. Grâce aux chèques d’innombrables amis (déjà à cette époque!), on acheta la propriété d’Ozon en 1950. Plans, devis, choix des entreprise, occupations de toutes sortes et soucis financiers : l’été 1954 fut épuisant pour Mère Immaculata, qu’une crise cardiaque tint alitée longtemps. Le déménagement à Ozon eut lieu le 12 novembre 1955.
En décembre 1963 elle subit à Paris une grave opération qui la retint absente plusieurs mois. Mère Marie-Bernard alors infirmière, l’accompagna et la soigna avec dévouement et affection.
La fin des années 1960 furent celles de l’aggiornamento post-conciliaire. Elle ne répugnait pas à certaines mises à jour, elle qui n’avait pas reculé devant des innovations nécessaires, mais redoutait seulement des changements injustifiés ou impréparés. Mère Marie-Bernard, qui l’assista de près pendant cette période délicate, achèvera l’œuvre de rénovation accomplie.
Alors qu’elle reçut le sacrement des malades en la fête du Christ-Roi 1970, elle voulut achever la rédaction des Constitutions du monastère. Elles furent présentées à Rome et approuvées le 8 décembre 1970 ad experimentum.
Il lui parut bientôt préférable, compte tenu de sa santé, de remettre sa tâche d’abbesse en d’autres mains. Le 28 février, Mère Marie-Bernard Eudier fut élue pour lui succéder.
Le 9 juillet 1977, Notre Mère Immaculata de Franclieu passa de ce monde au Père, abordant enfin cet éternel repos, la vraie Vie.

Physionomie spirituelle…
Elle découvrit dans sa jeunesse monastique, à travers les Pères de l’Église, le mystère de la Sainte Trinité qui demeurera toute sa vie l’objet ou l’arrière plan de ses méditations. Ce qui fit dire au frère d’une novice: « La Sainte Trinité, tout le monde y croit, mais vous, vous en vivez ».  Le mystère de la Trinité c’était avant tout pour elle le mystère du Père. Elle a plus d’une fois cité et recopié ces mots de Saint Cyrille d’Alexandrie : “Jésus n’est pas tant venu nous apprendre que son Père était Dieu, mais que Dieu était Père”. Croire que Dieu est notre Père suscite la confiance mais aussi des exigences de noblesse dans le comportement, de perfection dans les plus petites choses ; rien n’est petit, rien n’est vulgaire. Mère Immaculata éclairait tout de cette lumière et rien ne pouvait mieux donner envie de réaliser ce qu’elle demandait.

C’est dans le mystère du Père, Vérité première, que s’origine chez elle le culte de la vérité et, partant, son amour de la doctrine. Or la vérité que nous contemplons doit se traduire dans notre vie :  franchise et droiture étaient des qualités qu’elle ne cessait de recommander.

Pour faire comprendre aux jeunes qui venaient discerner leur vocation, qu’une vie consacrée à la prière est éminemment utile au monde, Mère Immaculata avait coutume d’insister sur la parole de l’Évangile : “Les ouvriers sont peu nombreux, priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson”, en soulignant ce “Donc, priez”.

Elle avait horreur de la routine, du formalisme où risque de s’abriter la tiédeur. Pour elle la vie spirituelle plus encore que matérielle n’était pas faite pour être confortable. Par dessus tout, elle aimait la vérité : l’observance doit s’enraciner dans la réalité. Au nom de quoi maintenir un rite, une disposition qui n’ont plus de raison d’être? Elle exigeait consciemment du courage et du détachement, et savait l’obtenir.

Pour son jubilé le 8 septembre 1969, la communauté réalisa une partie de Jeanne au bûcher de Claudel. Une phrase inspira la représentation : Saint Dominique demande à Jeanne “Explique-moi ton épée”. En effet une épée s’inscrivait dans la croix abbatiale de Mère Immaculata, symbole cher à cette fille de croisés. Mais cette épée était le glaive de la vérité et allait de pair avec la tendresse de son cœur. “Cette épée que saint Michel m’a donnée, cette épée, cette claire épée, elle ne s’appelle pas la haine, elle s’appelle l’amour” (Jeanne au bûcher)

Mère Annuntiata de Floris raconte : “Le mercredi 22 juin 1977, elle était déjà bien fatiguée, mais quand je lui ai lu un texte de Tauler sur la génération du Verbe par le Père dans l’âme en état de grâce, elle a rassemblé toutes ses forces pour dire en appuyant sur les mots : “C’est ce que je vous ai toujours dit, ce n’est pas réservé à une âme, c’est pour toutes les âmes”.

Excellente musicienne, artiste, elle aimait le beau et souffrait de l’insuffisance du chant, nous entraînant à mieux faire.

Toute simplicité et droiture, héritage d’une race de soldat, son secret était, comme dit Claudel, non pas de “puiser au fond de l’infini pour y découvrir du nouveau, mais au fond du défini pour y découvrir de l’inépuisable”.