Vie fraternelle
» Si nous regardons l’Évangile, on peut dire que la vie commune répond à l’enseignement de Jésus sur le lien entre les deux préceptes de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain. Dans un état de vie où l’on veut aimer Dieu souverainement, on ne peut pas ne pas s’engager aussi à aimer le prochain avec une générosité particulière, à commencer par ceux qui sont les plus proches parce qu’ils appartiennent à la même communauté. C’est l’état de vie des « consacrés ». De plus, il ressort de l’Évangile que les appels de Jésus ont été adressés, certes, à des personnes particulières, mais pour les inviter à s’associer, à former un groupe : il en a été ainsi pour le groupe des disciples, il en a été ainsi pour celui des femmes…Jésus leur donna « son » commandement, celui de l’amour mutuel à son exemple. Dans l’histoire de l’Église, et en particulier celle des Instituts religieux, le problème des rapports entre individus et groupes s’est souvent posé, et il n’a reçu d’autre réponse valable que celle de l’humilité chrétienne et de l’amour fraternel, qui unit au nom et en vertu de la charité du Christ, comme le dit l’ancien chant des « agapes » : « Congregavit nos in unum Christi amor » : « L’amour du Christ nous a rassemblés ».
Mais il ne peut s’agir que d’une simple union de sympathie et d’affection humaine. Le Concile, écho des Actes des Apôtres, parle d’« unité d’esprit » (PC, 15). Il s’agit d’une unité qui a sa racine la plus profonde dans l’Esprit Saint, qui répand la charité dans les coeurs (cf. Rm 5, 5) et pousse des personnes différentes à s’aider sur le chemin de la perfection, en instaurant et en maintenant entre elles un climat de bonne entente et de coopération.
Toujours à ce sujet, le Concile (PC, 15) rappelle que la charité est l’accomplissement de la loi, le lien de la perfection , le signe du passage de la mort à la vie, la manifestation de l’avènement du Christ, la source d’énergie de l’apostolat. Nous pouvons appliquer à la vie commune l’excellence de la charité décrite par saint Paul dans sa première Lettre aux Corinthiens (13, 1-13) et lui attribuer ce que l’Apôtre appelle les fruits de l’Esprit : « Amour, joie, paix, patience, bienveillance, bonté, douceur, maîtrise de soi » : les fruits – dit le Concile – de « l’amour de Dieu qui a été répandu dans nos coeurs ». Jésus a dit : « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieux d’eux » (Mt 18, 20). Voici : la présence du Christ se réalise partout où il y a unité dans la charité, et la présence du Christ est la source d’une joie profonde, qui se renouvelle chaque jour, jusqu’au moment de la rencontre définitive avec lui. »
Audience de saint Jean-Paul II, La vie commune à la lumière de l’Evangile, 14 décembre 1994